Les deux dernières décennies ont connu une vague sans précédent de transitions qualifiées de démocratiques dans le monde entier.
Mais alors que dans certains pays la démocratisation a été essentiellement pacifique, dans d’autres ,la mise en place de la démocratie a été le résultat de conflits sociaux violents, déclenchés par le soulèvement de classes économiquement défavorisées et politiquement marginalisées, des conflits également alimentés, voire engendrés par des tentatives infructueuses de répression qui se sont terminées par de véritables tragédies, comme en attestent les cas de Syrie et de Libye. Mais, ce ne sont là que quelques causes parmi tout un panel.
Un des aspects les plus négligés dans les études sur les violences politiques, c’est l’aspect économique. On oublie souvent que dans de nombreux conflits, les groupes rebelles jouent, dans les régions qu’ils contrôlent, le rôle de véritables agents économiques de premier plan. « Dans certaines régions, ils font tourner les industries, ils contrôlent la production et fournissent les services ; dans d’autres leur principale activité est le pillage »[1]. Et Humphreys ne manque pas de remarquer que ces guerres civiles ont éclaté ou éclatent plutôt dans des pays pauvres ; ce qui a pour résultat de presque diviser la planète en pays riches et paisibles, d’un côté, et en pays pauvres et proie aux conflits et guerres civiles, de l’autre.
Une telle observation, pour avérée qu’elle soit, viendrait confirmer que les conflits autour du pouvoir ont pour objet, non pas le pouvoir en soi mais les rares richesses auxquelles il donne accès et permet de contrôler.
Il y a bien ceux qui considèrent qu’un Etat pourvu de grandes richesses hydrauliques ou minières a plus de chances qu’un Etat qui n’en n’a pas de connaitre des conflits infranationaux, établissant ainsi, plutôt, un lien entre existence de ressources et probabilité des conflits. Ainsi, Philippe Hugon avance que « Les relations entre guerres et ressources naturelles ont conduit à une écologie politique de la guerre analysant les guerres de ressources, environnementales, de pillage ou de sécession liées aux ressources naturelles. Un État détenteur de ressources en hydrocarbures a neuf fois plus de risques d’être le théâtre de conflits armés qu’un État non pourvu »[2].
[1] Cf. Macartan Humphreys, « Aspects économiques des guerres civiles », in Revue du Tiers Monde, XLIV, n° 174, avril-juin 2003, p.269
[2]Phillipe Hugon « Le rôle des ressources naturelles dans les conflits armés africains », in Hérodote, n°3, 2009, p.63