Rapport synthétique du colloque international «Rôles des élites intellectuelles maghrébines dans la transition démocratique»

Dans le contexte des mutations politiques et sociales que connait la région du Maghreb, s’est tenu le colloque international, organisé par le Centre TAKAMUL d’études et de recherche et le Laboratoire de recherche et de coopération internationale pour le développement (LRCID) de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales – Université Cadi Ayyad – Marrakech, avec le soutien de la Fondation Hans Seidel, autour du thème :« Rôles des élites intellectuelles maghrébines dans la transition démocratique, les 26 et 27 novembre 2019.

Pour aborder les différentes problématiques liées au thème du colloque, les travaux s’articulaient autour de quatre axes principaux, et de points de vue variés : sociologique, politique, historique et prospectif. Les approches étaient nombreuses, mais la question restait unique, relevant à la fois de dimensions descriptive et prospective. Descriptive dans le sens de conceptualiser la notion des élites intellectuelles magrébines, à travers les contributions des intervenants(es) qui l’ont exprimée sous différentes formes telles que « réalité des élites intellectuelles magrébines », « distinction entre intellectuel et élite », « relation entre intellectuel, pouvoir, société et université », « lien étroit entre intellectuel et démocratie » vu l’impossibilité de toute construction démocratique en l’absence d’un espace public dirigé par l’intellectuel (philosophe, historien, romancier …).

Les intervenants, ainsi que l’auditoire, à travers leurs contributions, ont réussi à créer un véritable espace public de discussion libre et constructive cherchant à réaliser une percée académique effective menant à démonter, pour reconstruire, la problématique des rôles des élites intellectuelles magrébines dans le processus de la transition démocratique. En effet, les questions relevées ont abouti à la délimitation de la notion de « l’intellectuel », sa relation avec la politique, sa capacité de générer la transition/ changement politique, et son rôle crucial dans les mutations sociales.

Ainsi, on peut explorer la nature des élites intellectuelles pouvant conduire à une transition démocratique, suivant quatre sous- problématiques :

  1. Délimitation conceptuelle :

        La définition conceptuelle visait à replacer le concept d’intellectuel dans son contexte historique dans le but de chercher le contexte de la genèse du concept, son évolution, et les problèmes liés à sa conceptualisation. La dimension historique était présente en se posant la question : à quel point peut-on introduire le concept d’intellectuel, tel qu’il est pensé par « Gramsci, Moscou et Tarito », dans l’expérience arabe, et surtout Magrébine? Un accord s’est établi : l’intellectuel est une personne engagée pouvant critiquer et influer.

D’autre part, La délimitation conceptuelle a mis l’accent sur la distinction entre « intellectuel » et « élites » pour confirmer quel’ intellectuel se distingue par une production s’attachant à la pensée des lumières, différente de celle de l’universitaire ou du chercheur qui est réaliste. De plus, l’intellectuel défend les valeurs humaines. Cependant, la notion d’« élites », même si elle est très répandue, reste vague ; les élites ne sont pas homogènes (élites universitaires par exemple), mais elles détiennent le pouvoir du discours (politique, religieux, scientifique ….)

  •   Dialectique pouvoir / intellectuel :

          Réduite, souvent, en « conflit », la nature de cette relation est difficile à cerner. Elle se manifeste sous deux aspects ; l’un reflète une relation qui atteint un point culminant de tension entre l’intellectuel et le pouvoir, l’autre donne au premier le statut de « subordonné » au deuxième. Dans ce sens, des interventions ont souligné que l’intellectuel n’est pas sensé être en conflit avec les détenteurs du pouvoir parce qu’il vise le changement, crée et défend un projet sociétal et une pensée de lumière, contrairement au politicien qui parie sur la mise en œuvre du programme général du pouvoir.

          Certaines interventions ont insisté sur la nécessité, pour l’intellectuel, d’être au sein du pouvoir pour réaliser des changements, à condition de ne pas devenir un outil entre les mains du pouvoir, de ne pas jouir du plaisir de satisfaire le public, de ne pas s’emprisonner dans la spécialisation pour être distingué de l’expert ou du chercheur universitaire.

  • Rôles de l’intellectuel dans la transition démocratique au pays du Maghreb :

          La plupart des interventions se sont focalisées sur la possibilité d’instaurer la démocratie malgré la tension entre intellectuel et pouvoir. Une autre problématique s’est posée en se référant au “paradigme” des révolutions au pays du Maghreb ; il s’agit du rôle des intellectuels dans la transition démocratique dans les différentes sociétés. Qui était à l’origine des mouvements sociétaux au pays du Maghreb, l’intellectuel ou les crises sociales ? La plupart des intervenants ont souligné l’absence de l’intellectuel des événements qui ont marqué la région dès 2011; il n’était ni leader ni dirigeant, au moment où l’étincelle des soulèvements était le résultat des réseaux sociaux. Une question se pose automatiquement : les acteurs sur ces réseaux font-ils partie des intellectuels ? D’autre part, la thèse de l’absence de l’intellectuel suscite le recours à d’autres approches. Autant parlé de la transformation des rôles plutôt que de la « mort » de l’intellectuel.

  • Les rôles revisités des élites intellectuelles dans le post-mouvement social du Maghreb :

            Les interventions ont porté sur le rôle de l’intellectuel dans la transition démocratique : il doit concrétiser un projet sociétal en adéquation avec les changements et les exigences de la société, croire en de nouveaux acteurs, dépasser les murs de l’université vers d’autres espaces pour diffuser sa culture, tisser des liens entre la production scientifique et l’élite politique du Maghreb.

Compte tenu de la demande sociale croissante d’intellectuels, des espaces de discussion et d’encadrement paraissent nécessaires pour contribuer à toute transition démocratique.